Lysandre || C'est faux ! Je suis toujours en vie [ Terminé ]

« Je suis en vie !  »

J’étais souriant, tendre et affectueux. Je n’aimais pas la violence. Absolument pas. Je trouvais ça juste horrible. Je préférais donc la paix, l’amour et l’amitié. Il faut dire que j’avais été élevé comme un gentil pacifiste respectueux de l’environnement et des autres. Enfin, les autres… On me les a fait craindre aussi pendant toute une période. Une difficulté à aller vers l’autre était alors apparue. Au départ, c’était banal, comme un gosse qui était timide. Mais la timidité était plus grande chez moi. Pas au point d’en avoir la phobie mais quand même, c’était  loin.  

Mais tout cela, c’était avant. Je reste pareil au fond sauf qu’il y a une donnée qui a changée. Entre-temps, je suis mort. J’avais froid et cette froideur ressortait de moi. Je me sentais seul et je cherchais la solitude. Je voulais voir du monde finalement, je voulais pouvoir les toucher. Et pourtant ce n’était plus possible. Alors le regret apparait. La colère contre ma famille aussi. La tristesse de les avoir perdus et de ne pas les trouver. Comment on-t-il trouvé la paix alors que moi non ? Comment cela se fait-il ? L’âme en peine bouge alors, hante aussi. Mais je n’aimais pas cela. Ce n’était pas comme ça que j’allais pouvoir les toucher. Je ne pouvais rien faire. Âme tourmentée, je voulais aller vers les autres. Mais le rejet était parfois violent. La haine augmentant, j’étais perdu.

Je refuse la mort. Je veux être en vie. Réellement en vie. Je veux toucher, respirer, manger. Je veux aussi connaitre l’amour. Je veux cesser de regretter mais cela me semble tellement impossible. Je me sens infiniment triste. Avec le temps, la haine a bien fini par partir. Mais la tristesse pas. Et ce refus, ce déni toujours présent. Cette envie de me comporter comme un vivant alors que je ne le suis pas… J’essaie, je me fais du mal pour rien mais j’essaie quand même, encore et encore. Je respecte toujours la nature, je veux aller vers les autres et je me fiche pas mal des luttes de pouvoir.
Parfois aussi, j’oublie cet état constant dans lequel je suis. Et alors je me remets à sourire.

Je ne suis pas très grand, je pense que je fais le mètre 65 environ. Donc en fait, je suis assez petit. Je n’ai pas de consistance, ce qui fait que je suis très léger. Mais je ne m’envole pas au premier coup de vent. Je ne comprends pas très bien pourquoi. Peut-être que le vent me traverse ?

J’ai un visage ovale et fin. Un peu féminin aussi parfois. J’ai les cheveux mi long et noir. Longueur qui me plait car trop court fait viril et plus long fait fille. Je les porte généralement en demi-queue. J’ai les yeux bleus. Enfin, j’ai un œil bleu et l’autre pâle. Le gauche a perdu  la vue et une belle cicatrice de brulure y trône, remontant un peu vers le front et sur le nez. J’ai des lèvres fines et à droite de ma bouche se trouve un grain de beauté. Je ne l’aime pas. Il est discret mais je ne l’aime pas du tout. Et pourtant je dois vivre avec… Mais à force, on s’y habitue.

Pour ce qui est des vêtements, j’en porte des traditionnels. Je ne peux pas vraiment en changé vue que je n’ai pas de consistance. Cela n’est-il pas étrange d’ailleurs que mes vêtements m’ai suivi dans la tombe ? Je pense qu’il faudrait inventer une boutique pour vêtement pour fantôme. Ce serait bien, non ?

Je suis mort il y a deux cents ans.  J’ai eu une vie avant d’errer. Une vie courte et peu passionnante. Mais ce qui se passa après ma mort fut encore moins attrayant…


Né au printemps, et dernier d’une famille qui avait déjà trois enfants, j’étais choyé et chouchouté. Tellement que j’étais craintif. Je faisais une crise face à une araignée et je ne sortais jamais seul. Ma grande sœur était comme une seconde mère. Et mes deux autres frères des chevaliers protecteurs de la princesse. Oui, une princesse. On vivait selon d’anciennes traditions, le jeune garçon devait être habillé comme une fille et apprendre la même chose. Ainsi, il apprenait des choses utiles autant dans le savoir-faire que dans la construction  de l’esprit.  Je vécus de la sorte jusqu’à mes 14 ans. Ce fut difficile de passer à la « norme » car j’étais vraiment habitué à mes anciens vêtements. Mais les pantalons avaient quand même leurs charmes. Et pour les cheveux, qui étaient longs, je ne les voulais pas trop court. Voilà pourquoi ils restèrent à mi-hauteur.

À 14 ans, je pouvais aller en ville. Je pouvais quitter l’ile. « Comment ça ? » me demanderiez-vous. Mes parents étaient marchands de fruits et légumes venant du jardin. On s’en nourrissait et on revendait le surplus. On pouvait alors quitter l’ile et s’offrir d’autres choses nécessaires.
Et la vie continuait son chemin. Avec des hauts, des bas. Des disputes de mes parents, il y en a eu. Des violentes parfois. A cause de désaccords. « Pas pour le moment, c’est trop dangereux d’y aller. » « Mais si on y va pas, on ne pourra pas nourrir les enfants ! » Car les enfants, même grands, vivaient toujours avec les parents. C’était plus simple, on se tenait plus chaud l’hiver. Car, oui, nous n’étions pas riches.  Les enfants aussi se disputaient. Besoin d’air et besoin d’espace mais le dehors, la vie seul, c’était dangereux, c’était cher, c’était en solitaire. Et quand on a vécu toute sa vie en famille, se retrouver seul tout d’un coup est parfois très triste. Donc même en étant majeur, je vivais toujours avec ma famille au grand complet.

Puis un jour où nous quittions l’île pour la capitale, nous avons eu des problèmes. Un client peut content de la marchandise nous accusa de vol. J’étais seul avec mon père et ma sœur ainée. Les autres étaient restés à la maison. Et heureusement. Je n’ai pas de souvenir de la suite. A croire que je fais un blocage. Après tout, je suis toujours en vie. Depuis longtemps, trop longtemps, mais je vis. Donc, je n’ai pas pu mourir, c’est faux, absolument faux !!
Mais en réalité, les gardes sont arrivés. Mon père pris peur. Un lâche. Il s’enferma dans la chambre que nous louions pendant le séjour. Ma sœur et moi tentions de le résonner. Il fallait sortir. Il fallait s’expliquer. La vérité triomphe toujours, non ? Mais il n’était pas de cet avis. Il frappa ma sœur. Je voulu la défendre. Il me frappa avec la lanterne. Allumée, brulante. Une douleur fulgurante. Un cri m’échappa et les flammes nous entouraient quand la lanterne tomba au sol. J’étais sonné. Ma sœur aussi. Et je ne sais pas ce qu’il advint ensuite de mon père. Car  après, ce fut le trou noir. Comme le chemin sombre qu’on parcoure. Mais aucune lumière éblouissante au bout. Juste l’errance.

J’étais mort et je ne le savais pas. Je ne le réalisais vraiment pas. Je voulais retrouver ma sœur, mon père. Je voulais comprendre ce qui m’arrivait. J’essayais d’aller vers les autres malgré ma peur. Mais ces imbéciles ne me répondaient absolument pas ! Jamais ! J’enrageais. J’étais, seul perdu. Et les jours passaient. Ils passaient sans que je n’aie faim, soif, besoin d’aller aux toilettes. J’errais, purement et simplement.
Un jour, je compris ce que j’étais. Je ne les avais pas retrouvés. J’étais triste, désespéré, nié de toute part. Quand un enfant me demanda : « Monsieur, pourquoi tu pleures ? » J’avais relevé la tête, je l’avais regardé surpris. Pourquoi lui me voyait ? Je ne trouvais rien à répondre et je m’enfuyais. Cela faisait bizarre. Ensuite j’essayais de retrouver l’enfant, une fois calmé. Il n’eut pas peur de moi. Ses parents, si. Mais ils me traversaient. Les objets aussi. Ils prirent peur, déménagèrent avec l’enfant. Et ainsi, je me retrouvais seul encore une fois.

J’avais donc appris que je pouvais être visible et invisible, que je pouvais être traversé. Et que j’étais craint pour une raison qui m’échapper. Ils avaient crié « un fantôme !!! » Mais je ne me sentais pas l’âme d’un fantôme. Être cela, signifie être mort, et je ne m’en souvenais pas.  J’étais à nouveau désorienté. Mais cette fois-ci, je voulais tester d’autres choses. J’ai voulu entrer dans un corps humain. Je voulais manger. Gouter d la viande, ressentir l’odeur, la faim, la soif, l’envie. Me nourrir jusqu’à plus faim, boire jusqu’à plus soif. Mais ce fut assez désastreux. On ressent alors des choses étranges. L’hôte, parfois n’est pas dupe. Il s’en rend compte, vous rejette de toute sa volonté et alors vous devez le combattre. Le combattre pour prendre le dessus. Et cela demande de la force, de la puissance. Chose que je n’avais pas à l’époque…

Depuis, je ne veux plus prendre possession d’un autre. Depuis, je veux prouver que je suis vivant, que je suis là. Parce que je suis là. Je refuse  qu’on me dise que je suis mort. Je m’en souviendrais, non ?! Je veux juste qu’on me reconnaisse. Et j’aimerais tellement connaitre une vie dite « heureuse ». Alors pourquoi je ne pourrais pas ?
Les gens ont peur de toi. Voilà pourquoi je ne peux pas.

Le temps passe, les gens tombent, disparaissent. Et je suis toujours là. Je vois ce qui ce passe mais je ne comprends pas.  Entre mes propres problèmes et ceux du monde, où vais-je continuer d’errer ?